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En septembre deux baromètres sur l’absentéisme et les arrêts de travail sont publiés. Il s’agit des Baromètres Ayming de l’Absentéisme et de l’engagement (1) et BVA/ Réhalto sur les arrêts de travail (2). Ces baromètres ne sont pas strictement comparables ni sur la méthode ni sur les questionnements mais sont convergents sur les résultats et permettent de confirmer les grandes tendances observées.
Les points majeurs :
L’absentéisme est un problème identifié par les pouvoirs publics: il fait l’objet de rapports récents et de concertations pour une réforme des arrêts de maladie (3) et une plus grande implication des entreprises concernant la santé de leurs salariés (4).
A première vue, lorsque l’on parle d’absentéisme, on pense à l’entreprise, son secteur d’activité, les caractéristiques de sa masse salariale et l’organisation du travail.
Néanmoins, il est intéressant d’aller en chercher les causes d’un point de vue plus global. En effet, les tendances démographiques françaises de fond impactent aussi la population des actifs. Le nombre important de malades chroniques et le vieillissement de la population notamment concourent à expliquer l’augmentation régulière de l’absentéisme et laissent présager une accentuation du phénomène.
En France, 3 millions de personnes ont traversé un cancer (5), grâce aux progrès de la médecine certains malades guérissent complétement, pour d’autres le cancer aigu évolue vers la chronicité. Il en est de même pour les pathologies cardiovasculaires, deuxième cause de mortalité après le cancer. Si l’on prend le cas de l’infarctus du myocarde, chaque année 120 000 personnes font un infarctus et 80 000 s’en remettent et beaucoup reprennent la vie active avec un suivi et des traitements à vie (6).
Les maladies chroniques se développent très rapidement et sur une population très large. Plus de 13 millions de français sont concernés, un salarié sur 5 dans la population des actifs(7). Si ces chiffres sont connus et largement commentés sur l’aspect prise en charge médicale et remboursement, ils impactent les entreprises qui ont un nombre croissant de leurs salariés qui travaillent tout en gérant leur maladie.
Le taux d’activité des salariés de 50 à 64 ans est passé de 52,5% en 2000 à 65 % en 2017 (malgré des taux de chômage élevés pour cette tranche d’âge). Ce taux continue à croître sensiblement dans les projections à 20 ans (75,7 % en 2040) (8) (9).
L’absentéisme croît avec l’âge des salariés (2,48 % chez les 25 ans et moins, jusqu’à 7,40 % chez les 56 ans et plus) et de nombreux dirigeants -7 dirigeants sur 10 selon l’étude BVA Rehalto(2) – considèrent que le vieillissement de la population est également un enjeu important pour leur propre entreprise.
Quels sont les facteurs de cet absentéisme ?
De façon générale, les déficits fonctionnels liés au vieillissement ne sont pas systématiques chez les quinquagénaires (10). Outre la pénibilité du travail souvent identifiée, c’est l’environnement de travail en général et l’implication du salarié qui ont une influence déterminante sur l’état de santé et le recours aux arrêts maladie (11).
Le sur-présentéisme qui se développe peut générer à terme de l’absentéisme : Les salariés qui le pratiquent vont parfois trop loin avec, au final, des arrêts prolongés et une récupération moins rapide (12).
Le baromètre de BVA/Réhalto évalue à 4 salariés sur 10 le nombre de salariés qui ne posent pas d’arrêt maladie dans une situation le nécessitant. Si les causes du sur-présentéisme ont des origines différentes suivant la catégorie socio- professionnelle, on peut penser que le résultat est sensiblement le même : l’accumulation de ces situations peut contribuer à la dégradation de l’état
général de la personne, à la prolongation du temps de convalescence voire conduire à des arrêts retardés et de longue durée (12). Le sur-présentéisme cause aussi des problèmes au sein des équipes et de l’entreprise lorsque le salarié n’est pas à même de s’affranchir de ses taches avec la même efficacité….
Face à la montée de l’absentéisme de longue durée, les experts observent une forme d’acceptation des entreprises des arrêts de longue durée car ceux-ci sont perçus comme des éléments relevant de causes médicales majeures. De plus, ces arrêts sont pris en charge de manière indirecte et globale dans les budgets assuranciels des entreprises.
Pourtant, plus les arrêts sont longs, plus les salariés ont du mal à revenir en entreprise (14). Cette constatation a d’ailleurs été prise en compte par le Ministère des solidarités et de la santé. Agnès Buzyn a fait évoluer fin 2018 la règlementation sur les aménagements thérapeutiques afin de l’assouplir et d’éviter des éloignements de l’entreprise durables et préjudiciables au retour en emploi. L’importance du rôle de la médecine du travail est aussi mise en avant et les entretiens de pré-reprise sont encouragés.
Du coté des entreprises, les actions ne sont pas systématiques (44% ne prévoient pas d’accueil particulier) et peu visibles des collaborateurs qui sont en forte demande de programmes d’accompagnement (2).
L’implication des entreprises peut être significative à la fois humainement pour les salariés concernés mais aussi économiquement.
Sur le terrain, le retour est souvent difficile pour tous. Du côté des managers, on observe des réactions très différentes allant de la surprotection du salarié au déni de sa situation. Car, en la matière, la bonne volonté ne suffit pas et les responsables ne disposent souvent pour agir que de leur expérience de la maladie ou de celle de leur entourage…. Après le retour, si rien n’est fait, on observe souvent des désengagements des salariés avec des arrêts plus courts et récurrents pouvant conduire souvent à des ruptures professionnelles (14).
Il existe aujourd’hui des formations spécifiques leur permettant d’acquérir des connaissances sur les transformations induites par les maladies, d’avoir des outils de communication leur permettant de trouver l’attitude juste vis-à-vis des collaborateurs et des équipes et d’identifier les facteurs clés sur lesquels ils ont une marge d’action pour réussir la réintégration durable des collaborateurs (*)
Côté salariés, des accompagnements se développent afin de préparer la reprise et de remobiliser les personnes après un éloignement de l’entreprise. Ces accompagnements sont personnalisés car chaque situation est différente et évolutive. Ils se déroulent sur 6 à 7 séances. Ils visent à permettre au salarié de gérer l’impact de sa maladie, de procéder à des adaptations et de construire une feuille de route pour sa trajectoire professionnelle. (Voir exemple de témoignage)
Pour l’entreprise les retours réussis ont un effet positif économique à court terme via la cohésion des équipes, l’organisation et la gestion du personnel. A plus long terme, ils contribuent à améliorer l’absentéisme et l’engagement des salaries, ils sont un facteur de fidélisation et jouent favorablement sur l’affectio societatis y compris parmi les jeunes générations.
Ils permettent – et c’est un élément significatif – des économies indirectes importantes sur les coûts assuranciels globaux via les tarifs des contrats de prévoyance (15)
J’ai été accompagnée lors de mon retour à l’emploi après un arrêt de 10 mois pour un deuxième cancer. Nous avons préparé ensemble mon retour, à partir d’un état des lieux des exigences de mes missions antérieures et de mes possibilités et limites actuelles. Ces entretiens m’ont permis d’être dans une posture active et constructive, tout en précisant à mon employeur mes contraintes, afin de clarifier totalement la situation. Grâce à ce travail, les entretiens de reprise, tant avec le médecin du travail que mon responsable hiérarchique, ont été clairs et ont débouché très rapidement sur une définition de modalités me convenant.
Après la reprise, l’accompagnement m’a permis d’accepter moi-même ces nouvelles modalités, de définir des modes d’intervention et des postures nouvelles et de m’aider à trouver un nouvel équilibre entre santé, vie privée et vie professionnelle.
C’est à mes yeux, la garantie d’une reprise de
travail qui s’inscrit dans le temps.
In fine, en facilitant le ré engagement durable des salariés dans leur activité professionnelle, l’entreprise relève un challenge non seulement humain vis-à-vis des salariés mais aussi économique.
Annick Dulion
Septembre 2019
Contact :*Pour avoir plus d’information sur les accompagnements personnalités et les formations :
Annick.dulion@ginkoe.fr / 0627175307
Références
Eléments extraits des baromètres ci-dessous sur l’absentéisme et les arrêts de travail :
(1) 11 ème Baromètre Ayming de l’Absentéisme et de l’engagement.
(2) 5 ème Baromètre de BVA/ Réhalto sur les arrêts de travail « comprendre et agir »
Ces baromètres apportent chacun des informations concordantes et complémentaires.
Ils ne sont pas strictement comparables ni sur la méthode ni les questionnements.
(3) Rapport Bérard relatif à la prévention, l’efficacité, l’équité et la maîtrise des arrêts de travail (2019).
(4) Rapport de Charlotte Lecocq sur la santé au travail (2018).
(5) Institut National contre le Cancer INCA, Chiffres clés
(6) Fédération française de cardiologie, L’insuffisance cardiaque en chiffres
(7) Étude Malakoff Médéric 2016 Santé et bien-être des salariés, performance des entreprises
(8) Etude Harris interactive pour Médéric Malakoff (2017)
(9) TEF Tableau de l’économie française INSEE 2019
(10) Bien vieillir au travail (2011) INRS- CNAM
(11) Grégor Bouville (2009) En âge de travailler Vuibert collection « recherche » AGRH Chapitre 6
(12) Le sur-présentéisme Denis Monneuse, Méthodes et Recherches Ed De Boeck 1991
Définition du sur-présentéisme : Le sur présentéisme ou présentéisme pathologique consiste pour le salarié à aller travailler tout en étant malade et alors que son état de santé mériterait un arrêt.
(13) Officiel Prévention Santé et sécurité au travail (2013)
Définition de la Charge mentale : La charge mentale elle est constituée de l’ensemble des opérations mentales effectuées par un travailleur lors de son activité professionnelle. Elle comprend les efforts de concentration, de compréhension, d’adaptation, d’attention et de minutie, accomplissements de tâches de traitement d’informations, mais aussi pressions psychologiques liées aux exigences de rapidité, délai, qualité d’exécution, à l’obéissance aux ordres de la hiérarchie et à la gestion des relations avec les collègues et les tiers,
Elle s’est progressivement imposée en regard de la pénibilité physique.
Elle est accentuée par les changements rapides auxquels les salariés doivent s’adapter.
(14) Etude Vican 2 INCA
(15) Les coûts des contrats sont calculés en fonction de l’absentéisme observé et s’envolent pour des absences au-delà de 90 jours.
(16). Formation des managers pour faciliter le retour en emploi des salariés : contact@ginkoe.fr