A première vue, lorsque l’on parle d’absentéisme, on pense à l’entreprise, son secteur d’activité, les caractéristiques de sa masse salariale et l’organisation du travail.
Néanmoins, il est intéressant d’aller en chercher les causes d’un point de vue plus global. En effet, les tendances démographiques françaises de fond impactent aussi la population des actifs. Le nombre important de malades chroniques et le vieillissement de la population notamment concourent à expliquer l’augmentation régulière de l’absentéisme et laissent présager une accentuation du phénomène.
Les évolutions de l’absentéisme en 2018
En septembre deux baromètres sur l’absentéisme et les arrêts de travail sont publiés. Il s’agit des Baromètres Ayming de l’Absentéisme et de l’engagement (1) et BVA/ Réhalto sur les arrêts de travail (2). Ces baromètres ne sont pas strictement comparables ni sur la méthode ni sur les questionnements mais sont convergents sur les résultats et permettent de confirmer les grandes tendances observées.
Les points majeurs :
- Le taux d’absentéisme moyen en 2018 est de plus de 5 % soit 18 à 20 jours d’absence en moyenne par an et par salarié en 2018
- Cette augmentation de 8% en 2018 est observée depuis plus de 4 ans, elle révèle une accélération du phénomène, qui mérite d’être considérée comme un signal d’alarme.
- Un constat récurrent sur la croissance du taux d’absentéisme avec l’âge.
- Une augmentation des arrêts de longue durée (90 jours) générale et forte en particulier chez les moins de 40 ans.
L’absentéisme est un problème identifié par les pouvoirs publics: il fait l’objet de rapports récents et de concertations pour une réforme des arrêts de maladie (3) et une plus grande implication des entreprises concernant la santé de leurs salariés (4).
Comment expliquer l’augmentation de l’absentéisme ?
Quelques constats chiffrés :
- L’épidémie de maladies chroniques y compris en entreprise
En France, 3 millions de personnes ont traversé un cancer (5), grâce aux progrès de la médecine certains malades guérissent complétement, pour d’autres le cancer aigu évolue vers la chronicité.
Il en est de même pour les pathologies cardiovasculaires, deuxième cause de mortalité après le cancer. Si l’on prend le cas de l’infarctus du myocarde, chaque année 120 000 personnes font un infarctus et 80 000 s’en remettent et beaucoup reprennent la vie active avec un suivi et des traitements à vie (6).
Les maladies chroniques se développent très rapidement et sur une population très large. Plus de 13 millions de français sont concernés, un salarié sur 5 dans la population des actifs(7). Si ces chiffres sont connus et largement commentés sur l’aspect prise en charge médicale et remboursement, ils impactent les entreprises qui ont un nombre croissant de leurs salariés qui travaillent tout en gérant leur maladie.
- Le vieillissement en entreprise
Le taux d’activité des salariés de 50 à 64 ans est passé de 52,5% en 2000 à 65 % en 2017 (malgré des taux de chômage élevés pour cette tranche d’âge). Ce taux continue à croître sensiblement dans les projections à 20 ans (75,7 % en 2040) (8) (9).
L’absentéisme croît avec l’âge des salariés (2,48 % chez les 25 ans et moins, jusqu’à 7,40 % chez les 56 ans et plus) et de nombreux dirigeants -7 dirigeants sur 10 selon l’étude BVA Rehalto(2) – considèrent que le vieillissement de la population est également un enjeu important pour leur propre entreprise.
Quels sont les facteurs de cet absentéisme ?
De façon générale, les déficits fonctionnels liés au vieillissement ne sont pas systématiques chez les quinquagénaires (10). Outre la pénibilité du travail souvent identifiée, c’est l’environnement de travail en général et l’implication du salarié qui ont une influence déterminante sur l’état de santé et le recours aux arrêts maladie (11).
Le sur-présentéisme qui se développe peut générer à terme de l’absentéisme : Les salariés qui le pratiquent vont parfois trop loin avec, au final, des arrêts prolongés et une récupération moins rapide (12).
Le baromètre de BVA/Réhalto évalue à 4 salariés sur 10 le nombre de salariés qui ne posent pas d’arrêt maladie dans une situation le nécessitant. Si les causes du sur-présentéisme ont des origines différentes suivant la catégorie socio- professionnelle, on peut penser que le résultat est sensiblement le même : l’accumulation de ces situations peut contribuer à la dégradation de l’état général de la personne, à la prolongation du temps de convalescence voire conduire à des arrêts retardés et de longue durée (12). Le sur-présentéisme cause aussi des problèmes au sein des équipes et de l’entreprise lorsque le salarié n’est pas à même de s’affranchir de ses taches avec la même efficacité….
- De nombreux autres facteurs viennent s’ajouter comme l’augmentation de la charge mentale (13) et la perception de la charge de travail (2). Ces éléments sont particulièrement intéressants pour expliquer notamment l’épuisement en entreprise qui touche tous les âges et l’absentéisme qui en découle- y compris de longue durée – chez les moins de 40 ans.
Focus sur les arrêts de longue durée et les conséquences sur l’entreprise:
Face à la montée de l’absentéisme de longue durée, les experts observent une forme d’acceptation des entreprises des arrêts de longue durée car ceux-ci sont perçus comme des éléments relevant de causes médicales majeures. De plus, ces arrêts sont pris en charge de manière indirecte et globale dans les budgets assuranciels des entreprises.
Pourtant, plus les arrêts sont longs, plus les salariés ont du mal à revenir en entreprise (14). Cette constatation a d’ailleurs été prise en compte par le Ministère des solidarités et de la santé. Agnès Buzyn a fait évoluer fin 2018 la règlementation sur les aménagements thérapeutiques afin de l’assouplir et d’éviter des éloignements de l’entreprise durables et préjudiciables au retour en emploi. L’importance du rôle de la médecine du travail est aussi mise en avant et les entretiens de pré-reprise sont encouragés.
Du coté des entreprises, les actions ne sont pas systématiques (44% ne prévoient pas d’accueil particulier) et peu visibles des collaborateurs qui sont en forte demande de programmes d’accompagnement (2).
Arrêts de longue durée : trouver des réponses, passer à l’action
L’implication des entreprises peut être significative à la fois humainement pour les salariés concernés mais aussi économiquement.
Sur le terrain, le retour est souvent difficile pour tous. Du côté des managers, on observe des réactions très différentes allant de la surprotection du salarié au déni de sa situation. Car, en la matière, la bonne volonté ne suffit pas et les responsables ne disposent souvent pour agir que de leur expérience de la maladie ou de celle de leur entourage…. Après le retour, si rien n’est fait, on observe souvent des désengagements des salariés avec des arrêts plus courts et récurrents pouvant conduire souvent à des ruptures professionnelles (14).
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